COVID-19: votre gel pour les mains est-il conforme?

Il faut bien lire les étiquettes

Trucs et Bricolages
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Publié il y a 3 ans
COVID-19: votre gel pour les mains est-il conforme?
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Tout comme les masques et les équipements destinés aux hôpitaux, en cette période de pandémie, les produits désinfectants sont très en demande. 

C’est pourquoi Santé Canada a mis en place provisoirement des mesures visant à accélérer la production et la distribution de ce type de produits et a aussi autorisé l’utilisation d’éthanol technique  dans leur fabrication. Mais plusieurs spécialistes s’inquiètent de au sujet de la conformité (ou no conformité) de certaines solutions qui sont maintenant sur le marché.

Même si les nettoyants antiseptiques « devraient être utilisés avec parcimonie » et « ne remplacent pas le lavage au savon et à l’eau », selon Santé Canada, on ne peut nier que bon nombre de Canadiens en consomment allégrement, devant la menace de la COVID-19. Donc, alors que dans un passé pas si lointain, il était facile de mettre la main sur des bouteilles Purell ( la plus connue dans ce domaine), c’est une tout autre histoire aujourd’hui.

À la fin mars, Santé Canada a publié une nouvelle monographie concernant les nettoyants antiseptiques pour la peau à usage personnel. L’agence fédérale y montre les exigences nécessaires pour obtenir une autorisation de mise en marché pour ce type de produit, qui prend généralement la forme d’un numéro de produit naturel (NPN) ou, plus rarement, d’un numéro d’identification de médicament (DIN), en qui a trait aux désinfectants à base de produits chimiques.

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Il importe de savoir que tous les désinfectants pour les mains devraient afficher sur son étiquette un numéro NPN de huit chiffres (ou un DIN). 

« Un fabricant ou distributeur ne peut pas vendre un produit désinfectant pour les mains à base d’alcool au Canada sans l’autorisation de Santé Canada », a expliqué Santé Canada par courriel à La Presse.

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Pour s’adapter à la forte demande de désinfectants, Santé Canada a adopté une approche provisoire accélérée, jusqu’au 31 mars 2021, soutenant ainsi les entreprises canadiennes désirant convertir leurs installations pour produire,emballer ou importer des désinfectants à base d’alcool. Le processus, habituellement long et passablement complexe, pour obtenir des licences d’exploitation et de produit et donc, un numéro NPN, est pour le moment simplifié et accéléré.

Alain Ménard, qui est cofondateur de The Green Beaver, une entreprise ayant lancé. il y a quelques semaines un désinfectant pour les mains, a été surpris de recevoir son NPN en 48 heures seulement. 

« Le processus est vraiment accéléré, les normes sont abaissées, j’en suis presque tombé sur le dos ! », a-t-il confié à La Paresse.

Monsieur Ménard, qui possède une formation en microbiologie, constate que bon nombre de consommateurs ne connaissent pas l’existence du NPN. Il s’inquiète du fait que certaines entreprises peuvent essayer de contourner la réglementation, soit par opportunisme ou par ignorance. 

«Ça fait peur. L’éthanol coûte cher et certains seront peut-être tentés d’en mettre moins que la quantité recommandée. Les gens vont penser qu’ils sont protégés et ils ne le seront pas! », a-t-il affirmé à La Presse.

La crise sanitaire a vraiment bouleversé le marché. Les compagnies qui veulent proposer du désinfectant à mains à leurs clients ont eu à s’adapter à vitesse grand V. 

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Brasqué Beauté, une jeune entreprise de Québec qui est spécialisée en produits cosmétiques naturels, a immédiatement voulu contribuer à l’effort pour traverser cette période inédite et « aider la communauté », a expliqué sa cofondatrice, Christiane Gallegos.

En mars, la société a lancé sur son site Web  un « purifiant pour les mains » contenant 60% d’alcool isoprobanol, sans avoir d’abord obtenu son NPN, cependant. L’entreprise a rapidement corrigé la chose en retirant son produit du marché et en effectuant les démarches nécessaires auprès de Santé Canada, qui lui a accordé un NPN récemment.

  • Nous avions l’impression que c’était mission impossible pour les entreprises de notre taille [d’obtenir notre NPN], mais c’était beaucoup plus facile qu’on l’imaginait. Nous travaillons sur une nouvelle étiquette qui va suivre les directives de Santé Canada », a expliqué madame Gallegos.

Son produit homologué devrait être disponible sous peu.

Mais ne fabrique pas un produit à base d’alcool, un composé volatil, qui veut. Cela demande connaissance et expertise et c’est pourquoi l’Ordre des chimistes du Québec (OCQ), qui compte 2800 chimistes membres, a fait une sortie, en mai, pour offrir son aide aux entreprises ayant choisi de convertir leur production.

« C’est très vénérable qu’une entreprise veuille collaborer, mais il faut une supervision minimale pour s’assurer que tout est fait dans les règles de l’art, que le désinfectant ne soit pas irritant pour la peau, qu’il n’y ait pas de contaminants. On joue avec des produits chimiques qu’on mélange, de l’alcool, du peroxyde, de la glycérine, qui peuvent se dégrader, qu’on doit stabiliser… Si le pourcentage final d’alcool est en bas du seuil demandé, le produit ne sert à rien ! », a averti Michel Alsayegh, président de l’OCQ, en insistant sur le fait que ce type de produit devrait toujours être un « plan B » au lavage des mains à l’eau et au savon. Une solution de dépannage, quoi.

«Ce qu’on veut, c’est protéger le public, qu’il puisse acheter en toute confiance un produit qui sera efficace pour enlever le virus de ses mains », a dit le chimiste à La Presse.

L’utilisation d’éthanol de qualité dite « technique » dans les désinfectants pour les mains soulève aussi des questions et des inquiétudes. En effet, à cause des pénuries d’éthanol de qualité pharmaceutique (dit USP) ou alimentaire, Santé Canada a autorisé, le 15 avril dernier et de façon temporaire, l’utilisation d’éthanol technique pour une période qui s’étend jusqu’au 30 juin 2020. 

Ce type d’éthanol possède plus d’impuretés, dont la plus préoccupante est l’acétaldéhyde, qui est un composé potentiellement cancérigène, notamment quand il est inhalé.

« Lorsqu’ils sont utilisés conformément aux instructions et pendant une période limitée, les avantages pour la santé publique des désinfectants pour les mains contenant [des] sources approuvées d’éthanol de qualité technique pour limiter la propagation de la COVID-19 l’emportent sur le risque potentiel », a soutenu Santé Canada à La Presse.

À l’heure actuelle, sept fournisseurs canadiens ont reçu une autorisation temporaire pour fournir de l’éthanol technique aux entreprises et Santé Canada affirme avoir pris les précautions nécessaires, entre autres en autorisant seulement de l’éthanol de qualité technique « au niveau de qualité appropriée pour l’utilisation humaine dans la formulation du produit fini ».

L’organisme a aussi émis des exigences supplémentaires en matière d’étiquetage de ces produits ont aussi été promulguées. Pour le moment, c’est la seule manière de déterminer si un désinfectant a été fabriqué avec de l’éthanol de qualité technique.

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À Québec, l’entreprise SiliCycle, spécialisée en produits de chimie fine, fabrique un nettoyant antiseptique pour les mains depuis le fin du mois de mars. SiliCycle le vend en gros à des entreprises de domaines divers, et ces dernières le réembouteille par la suite dans de plus petits petits formats. 

« Nous avons demandé un NPN pour le grade technique, afin de le proposer à certains clients, mais il faut être très clair sur les restrictions à l’utilisation », a expliqué à La Presse Pierre Drapeau, aux relations publiques et ventes pour SiliCycle.

Selon lui « c’est le Far West » actuellement pour trouver de l’alcool de grade alimentaire sur le marché. Cdela explique pourquoi plusieurs entreprises, comme la sienne, optent pour le grade technique.

«Il y a une guerre de prix monstrueuse en ce moment et tellement de produits sur le marché. L’éthanol de grade technique se vend en gros, et pas cher», a pour sa part affirmé le vice-président, vente et marketing de Druide, Éric Armijon.

Druide commercialise depuis mars dernier un nettoyant antiseptique pour les mains à base d’éthanol de grade USP baptisé « Alaska ».

D’après monsieur Armijon, l’éthanol technique contient « des ingrédients très agressifs qui sont des agents neurotoxiques, des irritants pour la peau  ». 

« Ce qui m’inquiète, c’est que les gens ne comprennent pas que l’éthanol technique peut ne pas être bon pour eux, et utiliser leur désinfectant je ne sais pas combien de fois par jour », s’inquiète-t-il.

Selon Alain Renaud, cofondateur de The Green Beaver, l’éthanol technique a une odeur « horrible ». 

« J’étais curieux, j’ai commandé un échantillon. Ça sent vraiment fort »,a-t-il confié à La Presse.

L’entrepreneur craint que peu de consommateurs ne sachent ce que contient leur désinfectant avant l’achat.

 « Les précautions sur l’étiquette, c’est tellement petit. C’est facile de penser que c’est un désinfectant comme les autres », a-t-il souligné.

Voici ce que devrait contenir votre désinfectant pour les mains:

Avant d’acheter un tel produit, il faut vérifier qu’il contient de l’alcool en quantité suffisante soit : 

- de l’éthanol (alcool anhydre, alcool éthylique, alcool de grain) : de 60 % à 80 %

- de l’isopropanol (alcool isopropylique, 2-propanol): de 60 à 75 %

Des exemples d’ingrédients recommandés et/ou permis:

-  Le peroxyde d’hydrogène: pour éliminer les spores contaminantes

-  La glycérine, qui sert d’humectant

- De l’eau distillée et stérile (ou bouillie et refroidie)

- D’autres additifs, comme les parfums ne sont pas recommandés, mais sont permis.

La limite recommandée de concentration d’acétaldéhyde dans ces produits est de 10 ppm (particules par millions)

La concentration d’acétaldéhyde dans l’éthanol technique est de 800 à 1000 ppm (parties par million)

Les mises en garde qui devraient se trouver sur l’étiquette des désinfectants fabriqués avec de l’éthanol de qualité technique: 

« Pour adultes seulement »

« Ne pas utiliser sur une peau endommagée ou présentant des lésions »

« Contre-indiqué pour les femmes enceintes ou allaitant »

« Ne pas inhaler »

Source: La Presse